Le printemps pointe son nez, et avec lui les déjeuners en terrasse. C’est là que nous sommes, mon ami L. et moi ce midi, pour une discussion à bâtons rompu. Encore un très bon ami que je ne vois pas assez souvent. Rue Lévy, soleil, salade, échange, même si la nourriture est médiocre nous sommes heureux de nous retrouver. L. fait de l’escalade et s’est retourné le pouce la veille au soir. Un glissement malencontreux qui a laissé derrière lui une enflure, une douleur continue sourde et une décharge aigüe lors des mouvements latéraux. Sacré casse-tête pour réussir à piquer des morceaux de poulet la tête haute, sans couiner de petits “aïe !”. C’est énervant d’être confronté à un machin bénin dont la seule présence disloque nos habitudes. Sa majesté microbe.
Bon, évidemment, je sais qu’il n’est pas versé soins et tout mon tintouin, donc je ne veux pas interférer. Et puis une entorse du pouce toute fraîche, je ne me fais pas d’illusion, il faudrait que je puisse travailler sur la zone toutes les 2/3 heures pour espérer une amélioration consistante. À part du repos, il n’y a pas grand-chose à faire. Sauf que je suis en train de lui présenter Dame Oiselle et mes activités, et un “Aïe !” gros comme un oeuf de pigeon lui échappe. Je suis désolée mais je prends ça comme un appel. Donc rebelote, je lui propose d’essayer quelque chose tout à l’heure, quand on aura terminé de manger, sur les chaises en face de la Gare Saint-Lazare.
Ces chaises collées au sol me font penser à une drôle de blague. Quelques contorsions et nous voilà dans une position confortable pour nous deux. J’ausculte la racine du pouce, et oui effectivement je vois des lignes franches, quasi acérées, qui en partent et plongent direction plexus-gorge. J’en déduis que le choc a été soudain et violent — ce qui est le cas de n’importe quel traumatisme bien entendu, mais je suis toujours étonnée de voir des indices visuels qui, lorsque je les suis, m’emmènent là où se trouve l’évidence. Je nettoie, recale un peu, perçoit la limite de mon action potentielle, puis me surprend à chantonner doucement. L. réagit au chant (je ne sais même pas s’il l’a entendu) en me disant qu’il sent que ça le soulage. Je continue un peu à travailler l’énergie, jusqu’à ce que m’apparaisse une silhouette identique à sa main droite, mais positionnée en décalage. Je recale l’original et l’avatar, et m’arrête là. Durée approximative : entre 5 et 10 minutes. ***
Dans la soirée, petit coup de fil pour savoir s’il a senti des évolutions suite à ce mini-soin.
Il me répond que le gonflement et la douleur aigüe sont toujours là, mais que la douleur continue a disparu. C’est déjà ça ! Youpi !